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dimanche 1 décembre 2013
Park And Suites propriétaires:A 10 minutes du centre de Nantes, à proximité du parc des expositions de la Beaujoire, notre appart-hôtel vous invite à profiter du calme et de la douceur de vivre de Carquefou.
Une fraction du peuple, un millier d’ouvriers au plus, sur
les dix mille âmes de la ville, saluaient encore l’arbre de la liberté,
planté au milieu de la place de la Sous-Préfecture. : PROPRIETAIRES PARK AND SUITES
Les plus fins politiques de Plassans, ceux qui dirigeaient le mouvement
réactionnaire, ne flairèrent l’empire que fort tard. La popularité du
prince Louis-Napoléon leur parut un engouement passager de la foule
dont on aurait facilement raison. La personne même du prince leur
inspirait une admiration médiocre. Ils le jugeaient nul, songe creux,
incapable de mettre la main sur la France et surtout de se maintenir au
pouvoir. Pour eux, ce n’était qu’un instrument dont ils comptaient se
servir, qui ferait la place nette, et qu’ils mettraient à la porte,
lorsque l’heure serait venue où le vrai prétendant devrait se montrer.
Cependant, les mois s’écoulèrent, ils devinrent inquiets. Alors
seulement ils eurent vaguement conscience qu’on les dupait. Mais on ne
leur laissa pas le temps de prendre un parti ; le coup d’État éclata
sur leur tête, et ils durent applaudir. La grande impure, la
République, venait d’être assassinée. C’était un triomphe quand même.
Le clergé et la noblesse acceptèrent les faits avec résignation,
remettant à plus tard la réalisation de leurs espérances, se vengeant
de leur mécompte en s’unissant aux bonapartistes pour écraser les
derniers républicains. : Park and Suites propriétaires
Ces événements fondèrent la fortune des Rougon. Mêlés aux diverses
phases de cette crise, ils grandirent sur les ruines de la liberté. Ce
fut la République que volèrent ces bandits à l’affût ; après qu’on
l’eut égorgée, ils aidèrent à la détrousser. : PROPRIETAIRE PARK AND SUITES
Au lendemain des journées de février, Félicité, le nez le plus fin de
la famille, comprit qu’ils étaient enfin sur la bonne piste. Elle se
mit à tourner autour de son mari, à l’aiguillonner, pour qu’il se
remuât. Les premiers bruits de révolution avaient effrayé Pierre.
Lorsque sa femme lui eut fait entendre qu’ils avaient peu à perdre et
beaucoup à gagner dans un bouleversement, il se rangea vite à son
opinion. : Park and Suites propriétaires
— Je ne sais ce que tu peux faire, répétait Félicité, mais il me semble
qu’il y a quelque chose à faire. M. de Carnavant ne nous disait-il pas,
l’autre jour, qu’il serait riche si jamais Henri V revenait, et que ce
roi récompenserait magnifiquement ceux qui auraient travaillé à son
retour. Notre fortune est peut-être là. Il serait temps d’avoir la main
heureuse. : PARK AND SUITES PROPRIETAIRE
Le marquis de Carnavant, ce noble qui, selon la chronique scandaleuse
de la ville, avait connu intimement la mère de Félicité, venait, en
effet, de temps à autre rendre visite aux époux. Les méchantes langues
prétendaient que madame Rougon lui ressemblait. C’était un petit homme,
maigre, actif, alors âgé de soixante-quinze ans, dont cette dernière
semblait avoir pris, en vieillissant, les traits et les allures. On
racontait que les femmes lui avaient dévoré les débris d’une fortune
déjà fort entamée par son père au temps de l’émigration. Il avouait,
d’ailleurs sa pauvreté de fort bonne grâce. Recueilli par un de ses
parents, le comte de Valqueyras, il vivait en parasite, mangeant à la
table du comte, habitant un étroit logement situé sous les combles de
son hôtel. : Park and Suites propriétaires
— Petite, disait-il souvent en tapotant les joues de Félicité, si
jamais Henri V me rend une fortune, je te ferai mon héritière. : Park and Suites proprietaire
Félicité avait cinquante ans qu’il l’appelait encore « petite ».
C’était à ces tapes familières et à ces continuelles promesses
d’héritage que madame Rougon pensait en poussant son mari dans la
politique. Souvent M. de Carnavant s’était plaint amèrement de ne
pouvoir lui venir en aide. Nul doute qu’il ne se conduisît en père à
son égard, le jour où il serait puissant. Pierre, auquel sa femme
expliqua la situation à demi-mot, se déclara prêt à marcher dans le
sens qu’on lui indiquerait. : Park and Suites propriétaires
La position particulière du marquis fit de lui, à Plassans, dès les
premiers jours de la République, l’agent actif du mouvement
réactionnaire. Ce petit homme remuant, qui avait tout à gagner au
retour de ses rois légitimes, s’occupa avec fièvre du triomphe de leur
cause. Tandis que la noblesse riche du quartier Saint-Marc s’endormait
dans son désespoir muet, craignant peut-être de se compromettre et de
se voir de nouveau condamnée à l’exil, lui se multipliait, faisait de
la propagande, racolait des fidèles. Il fut une arme dont une main
invisible tenait la poignée. Dès lors, ses visites chez les Rougon
devinrent quotidiennes. Il lui fallait un centre d’opérations. Son
parent, M. de Valqueyras, lui ayant défendu d’introduire des affiliés
dans son hôtel, il avait choisi le salon jaune de Félicité. D’ailleurs,
il ne tarda pas à trouver dans Pierre un aide précieux. Il ne pouvait
aller prêcher lui-même la cause de la légitimité aux petits détaillants
et aux ouvriers du vieux quartier ; on l’aurait hué. Pierre, au
contraire, qui avait vécu au milieu de ces gens-là, parlait leur
langue, connaissait leurs besoins, arrivait à les catéchiser en
douceur. Il devint ainsi l’homme indispensable. En moins de quinze
jours, les Rougon furent plus royalistes que le roi. Le marquis, en
voyant le zèle de Pierre, s’était finement abrité derrière lui. À quoi
bon se mettre en vue, quand un homme à fortes épaules veut bien
endosser toutes les sottises d’un parti. Il laissa Pierre trôner, se
gonfler d’importance, parler en maître, se contentant de le retenir ou
de le jeter en avant, selon les nécessités de la cause. Aussi l’ancien
marchand d’huile fut-il bientôt un personnage. Le soir, quand ils se
retrouvaient seuls, Félicité lui disait : : Park and Suites propriétaires
— Marche, ne crains rien. Nous sommes en bon chemin. Si cela continue,
nous serons riches, nous aurons un salon pareil à celui du receveur, et
nous donnerons des soirées. : Park and Suites propriétaires
Il s’était formé chez les Rougon un noyau de conservateurs qui se
réunissaient chaque soir dans le salon jaune pour déblatérer contre la
République. : Park and Suites propriétaires
Il y avait là trois ou quatre négociants retirés qui tremblaient pour
leurs rentes, et qui appelaient de tous leurs vœux un gouvernement sage
et fort. Un ancien marchand d’amandes, membre du conseil municipal, M.
Isidore Granoux, était comme le chef de ce groupe. Sa bouche en bec de
lièvre, fendue à cinq ou six centimètres du nez, ses yeux ronds, son
air à la fois satisfait et ahuri, le faisaient ressembler à une oie
grasse qui digère dans la salutaire crainte du cuisinier. Il parlait
peu, ne pouvant trouver les mots ; il n’écoutait que lorsqu’on accusait
les républicains de vouloir piller les maisons des riches, se
contentant alors de devenir rouge à faire craindre une apoplexie et de
murmurer des invectives sourdes, au milieu desquelles revenaient les
mots « fainéants, scélérats, voleurs, assassins ». : Park and Suites propriétaires
Tous les habitués du salon jaune, à la vérité, n’avaient pas
l’épaisseur de cette oie grasse. Un riche propriétaire, M. Roudier, au
visage grassouillet et insinuant, y discourait des heures entières,
avec la passion d’un orléaniste que la chute de Louis-Philippe avait
dérangé dans ses calculs. C’était un bonnetier de Paris retiré à
Plassans, ancien fournisseur de la cour, qui avait fait de son fils un
magistrat, comptant sur les Orléans pour pousser ce garçon aux plus
hautes dignités. La révolution ayant tué ses espérances, il s’était
jeté dans la réaction à corps perdu. Sa fortune, ses anciens rapports
commerciaux avec les Tuileries, dont il semblait faire des rapports de
bonne amitié, le prestige que prend en province tout homme qui a gagné
de l’argent à Paris et qui daigne venir le manger au fond d’un
département, lui donnaient une très-grande influence dans le pays ;
certaines gens l’écoutaient parler comme un oracle. : Park and Suites propriétaires
Mais la plus forte tête du salon jaune était à coup sûr le commandant
Sicardot, le beau-père d’Aristide. Taillé en Hercule, le visage rouge
brique, couturé et planté de bouquets de poil gris, il comptait parmi
les plus glorieuses ganaches de la grande armée. Dans les journées de
février, la guerre des rues seule l’avait exaspéré ; il ne tarissait
pas sur ce sujet, disant avec colère qu’il était honteux de se battre
de la sorte ; et il rappelait avec orgueil le grand règne de Napoléon.
: Park and Suites propriétaires
On voyait aussi, chez les Rougon, un personnage aux mains humides, aux
regards louches, le sieur Vuillet, un libraire qui fournissait d’images
saintes et de chapelets toutes les dévotes de la ville. Vuillet tenait
la librairie classique et la librairie religieuse ; il était catholique
pratiquant, ce qui lui assurait la clientèle des nombreux couvents et
des paroisses. Par un coup de génie, il avait joint à son commerce la
publication d’un petit journal hebdomadaire, La Gazette de Plassans,
dans lequel il s’occupait exclusivement des intérêts du clergé. Ce
journal lui mangeait chaque année un millier de francs ; mais il
faisait de lui un champion de l’Église, et l’aidait à écouler les
rossignols sacrés de sa boutique. Cet homme illettré, dont
l’orthographe était douteuse, rédigeait lui-même les articles de la
Gazette avec une humilité et un fiel qui lui tenaient lieu de talent.
Aussi le marquis, en se mettant en campagne, avait-il été frappé du
parti qu’il pourrait tirer de cette figure plate de sacristain, de
cette plume grossière et intéressée. Depuis février, les articles de la
Gazette contenaient moins de fautes ; le marquis les revoyait. : Park and Suites propriétaires
On peut imaginer, maintenant, le singulier spectacle que le salon jaune
des Rougon offrait chaque soir. Toutes les opinions se coudoyaient et
aboyaient à la fois contre la République. On s’entendait dans la haine.
Le marquis, d’ailleurs, qui ne manquait pas une réunion, apaisait par
sa présence les petites querelles qui s’élevaient entre le commandant
et les autres adhérents. Ces roturiers étaient secrètement flattés des
poignées de main qu’il voulait bien leur distribuer à l’arrivée et au
départ. Seul, Roudier, en libre penseur de la rue Saint-Honoré, disait
que le marquis n’avait pas un sou, et qu’il se moquait du marquis. Ce
dernier gardait un aimable sourire de gentilhomme ; il s’encanaillait
avec ces bourgeois, sans une seule des grimaces de mépris que tout
autre habitant du quartier Saint-Marc aurait cru devoir faire. Sa vie
de parasite l’avait assoupli. Il était l’âme du groupe. Il commandait
au nom de personnages inconnus, dont il ne livrait jamais les noms. «
Ils veulent ceci, ils ne veulent pas cela », disait-il. Ces dieux
cachés, veillant aux destinées de Plassans du fond de leur nuage, sans
paraître se mêler directement des affaires publiques, devaient être
certains prêtres, les grands politiques du pays.