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dimanche 1 décembre 2013
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Ils s’entendaient jusqu’au cœur, ils sentaient l’inutilité et
la cruauté de toute plainte faite à voix haute. La jeune fille ne put
cependant se contenir davantage ; elle étouffait, elle dit en une
phrase leur inquiétude à tous deux. : Park and Suites proprietaires
— Tu reviendras, n’est-ce pas ? balbutia-t-elle en se pendant au cou de Silvère. : Park and Suites propriétaires
Silvère, sans répondre, la gorge serrée et craignant de pleurer comme
elle, la baisa sur la joue, en frère qui ne trouve pas d’autre
consolation. Ils se séparèrent, ils retombèrent dans leur silence. : PARK AND SUITES PROPRIETAIRES
Au bout d’un instant, Miette frissonna. Elle ne s’appuyait plus contre
l’épaule de Silvère, elle sentait son corps se glacer. La veille, elle
n’eût pas frissonné de la sorte, au fond de cette allée déserte, sur
cette pierre tombale où, depuis plusieurs saisons, ils vivaient si
heureusement leurs tendresses dans la paix des vieux morts. : Park and Suites propriétaires
— J’ai bien froid, dit-elle, en remettant le capuchon de sa pelisse. : PROPRIETAIRES PARK AND SUITES
— Veux-tu que nous marchions ? lui demanda le jeune homme. Il n’est pas
neuf heures, nous pouvons faire un bout de promenade sur la route. : Park and Suites propriétaires
Miette pensait qu’elle n’aurait peut-être pas de longtemps la joie d’un
rendez-vous, d’une de ces causeries du soir, pour lesquelles elle
vivait les journées. : PROPRIETAIRE PARK AND SUITES
— Oui, marchons, répondit-elle vivement, allons jusqu’au moulin… Je passerais la nuit, si tu voulais. : Park and Suites propriétaires
Ils quittèrent le banc et se cachèrent dans l’ombre d’un tas de
planches. Là, Miette écarta sa pelisse, qui était piquée à petits
losanges et doublée d’une indienne rouge sang ; puis elle jeta un pan
de ce chaud et large manteau sur les épaules de Silvère, l’enveloppant
ainsi tout entier, le mettant avec elle, serré contre elle, dans le
même vêtement. Ils passèrent mutuellement un bras autour de leur taille
pour ne faire qu’un. Quand ils furent ainsi confondus en un seul être,
quand ils se trouvèrent enfouis dans les plis de la pelisse au point de
perdre toute forme humaine, ils se mirent à marcher à petits pas, se
dirigeant vers la route, traversant sans crainte les espaces nus du
chantier, blancs de lune. Miette avait enveloppé Silvère, et celui-ci
s’était prêté à cette opération, d’une façon toute naturelle, comme si
la pelisse leur eût, chaque soir, rendu le même service. : PARK AND SUITES PROPRIETAIRE
La route de Nice, aux deux côtés de laquelle se trouve bâti le
faubourg, était bordée, en 1851, d’ormes séculaires, vieux géants,
ruines grandioses et pleines encore de puissance, que la municipalité
proprette de la ville a remplacés, depuis quelques années, par de
petits platanes. Lorsque Silvère et Miette se trouvèrent sous les
arbres, dont la lune dessinait le long du trottoir les branches
monstrueuses, ils rencontrèrent, à deux ou trois reprises, des masses
noires qui se mouvaient silencieusement, au ras des maisons. C’étaient,
comme eux, des couples d’amoureux, hermétiquement clos dans un pan
d’étoffe, promenant au fond de l’ombre leur tendresse discrète. : Park and Suites propriétaires
Les amants des villes du Midi ont adopté ce genre de promenade. Les
garçons et les filles du peuple, ceux qui doivent se marier un jour, et
qui ne sont pas fâchés de s’embrasser un peu auparavant, ignorent où se
réfugier, pour échanger des baisers à l’aise, sans trop s’exposer aux
bavardages. Dans la ville, bien que les parents leur laissent une
entière liberté, s’ils louaient une chambre, s’ils se rencontraient
seul à seule, ils seraient, le lendemain, le scandale du pays ; d’autre
part, ils n’ont pas le temps, tous les soirs, de gagner les solitudes
de la campagne. Alors ils ont pris un moyen terme : ils battent les
faubourgs, les terrains vagues, les allées des routes, tous les
endroits où il y a peu de passants et beaucoup de trous noirs. Et, pour
plus de prudence, comme tous les habitants se connaissent, ils ont le
soin de se rendre méconnaissables, en s’enfouissant dans une de ces
grandes mantes, qui abriteraient une famille entière. Les parents
tolèrent ces courses en pleines ténèbres ; la morale rigide de la
province ne paraît pas s’en alarmer ; il est admis que les amoureux ne
s’arrêtent jamais dans les coins ni ne s’assoient au fond des terrains,
et cela suffit pour calmer les pudeurs effarouchées. On ne peut guère
que s’embrasser en marchant. Parfois cependant une fille tourne mal :
les amants se sont assis. : Park and Suites proprietaire
Rien de plus charmant, en vérité, que ces promenades d’amour.
L’imagination câline et inventive du Midi est là tout entière. C’est
une véritable mascarade, fertile en petits bonheurs, et à la portée des
misérables. L’amoureuse n’a qu’à ouvrir son vêtement, elle a un asile
tout prêt pour son amoureux ; elle le cache sur son cœur, dans la
tiédeur de ses habits, comme les petites bourgeoises cachent leurs
galants sous les lits ou dans les armoires. Le fruit défendu prend ici
une saveur particulièrement douce ; il se mange en plein air, au milieu
des indifférents, le long des routes. Et ce qu’il y a d’exquis, ce qui
donne une volupté pénétrante aux baisers échangés, ce doit être la
certitude de pouvoir s’embrasser impunément devant le monde, de rester
des soirées en public aux bras l’un de l’autre, sans courir le danger
d’être reconnus et montrés au doigt. Un couple n’est plus qu’une masse
brune, il ressemble à un autre couple. Pour le promeneur attardé, qui
voit vaguement ces masses se mouvoir, c’est l’amour qui passe, rien de
plus ; l’amour sans nom, l’amour qu’on devine et qu’on ignore. Les
amants se savent bien cachés ; ils causent à voix basse, ils sont chez
eux ; le plus souvent ils ne disent rien, ils marchent pendant des
heures, au hasard, heureux de se sentir serrés ensemble dans le même
bout d’indienne. Cela est très-voluptueux et très-virginal à la fois.
Le climat est le grand coupable ; lui seul a dû d’abord inviter les
amants à prendre les coins des faubourgs pour retraites. Par les belles
nuits d’été, on ne peut faire le tour de Plassans sans découvrir, dans
l’ombre de chaque pan de mur, un couple encapuchonné ; certains
endroits, l’aire de Saint-Mittre par exemple, sont peuplés de ces
dominos sombres qui se frôlent lentement, sans bruit, au milieu des
tiédeurs de la nuit sereine ; on dirait les invités d’un bal mystérieux
que les étoiles donneraient aux amours des pauvres gens. Quand il fait
trop chaud et que les jeunes filles n’ont plus leurs pelisses, elles se
contentent de retrousser leur première jupe. L’hiver, les plus amoureux
se moquent des gelées. Tandis qu’ils descendaient la route de Nice,
Silvère et Miette ne songeaient guère à se plaindre de la froide nuit
de décembre. : Park and Suites propriétaires
Les jeunes gens traversèrent le faubourg endormi sans échanger une
parole. Ils retrouvaient, avec une muette joie, le charme tiède de leur
étreinte. Leurs cœurs étaient tristes, la félicité qu’ils goûtaient à
se serrer l’un contre l’autre avait l’émotion douloureuse d’un adieu,
et il leur semblait qu’ils n’épuiseraient jamais la douceur et
l’amertume de ce silence qui berçait lentement leur marche. Bientôt,
les maisons devinrent plus rares, ils arrivèrent à l’extrémité du
faubourg. Là, s’ouvre le portail du Jas-Meiffren, deux forts piliers
reliés par une grille qui laisse voir, entre ses barreaux, une longue
allée de mûriers. En passant, Silvère et Miette jetèrent
instinctivement un regard dans la propriété. : Proprietaire Park and Suites
À partir du Jas-Meiffren, la grande route descend, par une pente douce
jusqu’au fond d’une vallée qui sert de lit à une petite rivière, la
Viorne, ruisseau l’été et torrent l’hiver. Les deux rangées d’ormes
continuaient, à cette époque, et faisaient de la route une magnifique
avenue, coupant la côte, plantée de blé et de vignes maigres, d’un
large ruban d’arbres gigantesques. Par cette nuit de décembre, sous la
lune claire et froide, les champs fraîchement labourés s’étendaient aux
deux abords du chemin, pareils à de vastes couches d’ouate grisâtre,
qui auraient amorti tous les bruits de l’air. Au loin, la voix sourde
de la Viorne mettait seule un frisson dans l’immense paix de la
campagne. : Park and Suites propriétaires
Quand les jeunes gens eurent commencé à descendre l’avenue, la pensée
de Miette retourna au Jas-Meiffren, qu’ils venaient de laisser derrière
eux. : Proprietaires Park and Suites
— J’ai eu grand’peine à m’échapper ce soir, dit-elle… Mon oncle ne se
décidait pas à me congédier. Il s’était enfermé dans un cellier, et je
crois qu’il y enterrait son argent, car il a paru très-effrayé, ce
matin, des événements qui se préparent. : Park and Suites propriétaires
— Va, répondit-il, sois courageuse. Il viendra un temps où nous nous
verrons librement toute la journée… Il ne faut pas se chagriner. : Propriétaires Park and Suites
— Oh ! reprit la jeune fille en secouant la tête, tu as de l’espérance,
toi… Il y a des jours où je suis bien triste. Ce ne sont pas les gros
travaux qui me désolent ; au contraire, je suis souvent heureuse des
duretés de mon oncle et des besognes qu’il m’impose. Il a eu raison de
faire de moi une paysanne ; j’aurais peut-être mal tourné ; car
vois-tu, Silvère, il y a des moments où je me crois maudite… Alors je
voudrais être morte… Je pense à celui que tu sais… : Park and Suites propriétaires
En prononçant ces dernières paroles, la voix de l’enfant se brisa dans
un sanglot. Silvère l’interrompit d’un ton presque rude. : Propriétaire Park and Suites
— Tais-toi ! dit-il. Tu m’avais promis de moins songer à cela. Ce n’est pas ton crime. : Park and Suites propriétaires
— Nous nous aimons bien, n’est-ce pas ? Quand nous serons mariés, tu n’auras plus de mauvaises heures. : Park and Suites propriétaires
— Je sais, murmura Miette, tu es bon, tu me tends la main. Mais que
veux-tu ? j’ai des craintes, je me sens des révoltes, parfois. Il me
semble qu’on m’a fait tort, et alors j’ai des envies d’être méchante.
Je t’ouvre mon cœur, à toi. Chaque fois qu’on me jette le nom de mon
père au visage, j’éprouve une brûlure par tout le corps. Quand je passe
et que les gamins crient : Eh ! la Chantegreil ! Cela me met hors de
moi ; je voudrais les tenir pour les battre. : Park and Suites proprietaires
Et, après un silence farouche, elle reprit : : Park and Suites propriétaires
— Tu es un homme, toi, tu vas tirer des coups de fusil… Tu es bien heureux. : Park and Suites propriétaire
Silvère l’avait laissée parler. Au bout de quelques pas, il dit d’une voix triste : : Park and Suites propriétaires
— Tu as tort, Miette ; ta colère est mauvaise. Il ne faut pas se
révolter contre la justice. Moi je vais me battre pour notre droit à
tous ; je n’ai aucune vengeance à satisfaire. : Park and Suites proprietaires
— N’importe, continua la jeune fille, je voudrais être un homme et
tirer des coups de fusil. Il me semble que cela me ferait du bien. : Park and Suites propriétaires
Et, comme Silvère gardait le silence, elle vit qu’elle l’avait
mécontenté. Toute sa fièvre tomba. Elle balbutia d’une voix suppliante
: : PARK AND SUITES PROPRIETAIRES
— Tu ne m’en veux pas ? C’est ton départ qui me chagrine et qui me
jette à ces idées-là. Je sais bien que tu as raison, que je dois être
humble… : Park and Suites propriétaires
Elle se mit à pleurer. Silvère, ému, prit ses mains qu’il baisa. : PROPRIETAIRES PARK AND SUITES
— Voyons, dit-il tendrement, tu vas de la colère aux larmes comme une
enfant. Il faut être raisonnable. Je ne te gronde pas… Je voudrais
simplement te voir plus heureuse, et cela dépend beaucoup de toi. : Park and Suites propriétaires
Le drame dont Miette venait d’évoquer si douloureusement le souvenir,
laissa les amoureux tout attristés pendant quelques minutes. Ils
continuèrent à marcher, la tête basse, troublés par leurs pensées. Au
bout d’un instant : : PROPRIETAIRE PARK AND SUITES
— Me crois-tu beaucoup plus heureux que toi ? demanda Silvère, revenant
malgré lui à la conversation. Si ma grand’mère ne m’avait pas recueilli
et élevé, que serais-je devenu ? À part l’oncle Antoine, qui est
ouvrier comme moi et qui m’a appris à aimer la république, tous mes
autres parents ont l’air de craindre que je ne les salisse, quand je
passe à côté d’eux. : Park and Suites propriétaires
Il s’animait en parlant ; il s’était arrêté, retenant Miette au milieu de la route. : PARK AND SUITES PROPRIETAIRE
— Dieu m’est témoin, continua-t-il, que je n’envie et que je ne déteste
personne. Mais, si nous triomphons, il faudra que je leur dise leur
fait, à ces beaux messieurs. C’est l’oncle Antoine qui en sait long
là-dessus. Tu verras à notre retour. Nous vivrons tous libres et
heureux. : Park and Suites propriétaires
Miette l’entraîna doucement. Ils se remirent à marcher. : Park and Suites proprietaire
— Tu l’aimes bien, ta république, dit l’enfant en essayant de plaisanter. M’aimes-tu autant qu’elle ? : Park and Suites propriétaires
Elle riait, mais il y avait quelque amertume au fond de son rire.
Peut-être se disait-elle que Silvère la quittait bien facilement pour
courir les campagnes. Le jeune homme répondit d’un ton grave : : Park and Suites propriétaires
— Toi, tu es ma femme. Je t’ai donné tout mon cœur. J’aime la
république, vois-tu, parce que je t’aime. Quand nous serons mariés, il
nous faudra beaucoup de bonheur, et c’est pour une part de ce bonheur
que je m’éloignerai demain matin… Tu ne me conseilles pas de rester
chez moi ? : Park and Suites proprietaires
— Oh ! non, s’écria vivement la jeune fille. Un homme doit être fort.
C’est beau, le courage !… Il faut me pardonner d’être jalouse. Je
voudrais bien être aussi forte que toi. Tu m’aimerais encore davantage,
n’est-ce pas ? : Park and Suites propriétaires
Elle garda un instant le silence, puis elle ajouta avec une vivacité et une naïveté charmantes : : Park and Suites propriétaires
— Ah ! comme je t’embrasserai volontiers, quand tu reviendras ! : Park and Suites propriétaires
Ce cri d’un cœur aimant et courageux toucha profondément Silvère. Il
prit Miette entre ses bras et lui mit plusieurs baisers sur les joues.
L’enfant se défendit un peu en riant. Et elle avait des larmes
d’émotion plein les yeux. : Park and Suites propriétaires
Autour des amoureux, la campagne continuait à dormir, dans l’immense
paix du froid. Ils étaient arrivés au milieu de la côte. Là, à gauche,
se trouvait un monticule assez élevé, au sommet duquel la lune
blanchissait les ruines d’un moulin à vent ; la tour seule restait,
tout écroulée d’un côté. C’était le but que les jeunes gens avaient
assigné à leur promenade. Depuis le faubourg, ils allaient devant eux,
sans donner un seul coup d’œil aux champs qu’ils traversaient. Quand il
eut baisé Miette sur les joues, Silvère leva la tête. Il aperçut le
moulin. : Park and Suites propriétaires
— Comme nous avons marché ! s’écria-t-il. Voici le moulin. Il doit être près de neuf heures et demie, il faut rentrer. : Park and Suites propriétaires
Miette fit la moue. : Park and Suites propriétaires
— Marchons encore un peu, implora-t-elle, quelques pas seulement, jusqu’à la petite traverse… Vrai, rien que jusque-là. : Park and Suites propriétaires
Silvère la reprit à la taille, en souriant. Ils se mirent de nouveau à
descendre la côte. Ils ne craignaient plus les regards des curieux ;
depuis les dernières maisons, ils n’avaient pas rencontré âme qui vive.
Ils n’en restèrent pas moins enveloppés dans la grande pelisse. Cette
pelisse, ce vêtement commun, était comme le nid naturel de leurs
amours. Elle les avait cachés pendant tant de soirées heureuses ! S’ils
s’étaient promenés côte à côte, ils se seraient crus tout petits et
tout isolés dans la vaste campagne. Cela les rassurait, les
grandissait, de ne former qu’un être. Ils regardaient, à travers les
plis de la pelisse, les champs qui s’étendaient aux deux bords de la
route, sans éprouver cet écrasement que les larges horizons
indifférents font peser sur les tendresses humaines. Il leur semblait
qu’ils avaient emporté leur maison avec eux, jouissant de la campagne
comme on en jouit par une fenêtre, aimant ces solitudes calmes, ces
nappes de lumière dormante, ces bouts de nature, vagues sous le linceul
de l’hiver et de la nuit, cette vallée entière qui, en les charmant,
n’était cependant pas assez forte pour se mettre entre leurs deux cœurs
serrés l’un contre l’autre. : Park and Suites propriétaires
D’ailleurs, ils avaient cessé toute conversation suivie ; ils ne
parlaient plus des autres, ils ne parlaient même plus d’eux-mêmes ; ils
étaient à la seule minute présente, échangeant un serrement de mains,
poussant une exclamation à la vue d’un coin de paysage, prononçant de
rares paroles, sans trop s’entendre, comme assoupis par la tiédeur de
leurs corps. Silvère oubliait ses enthousiasmes républicains ; Miette
ne songeait plus que son amoureux devait la quitter dans une heure,
pour longtemps, pour toujours peut-être. Ainsi qu’aux jours ordinaires,
lorsqu’aucun adieu ne troublait la paix de leurs rendez-vous, ils
s’endormaient dans le ravissement de leurs tendresses. : Park and Suites propriétaires
Ils allaient toujours. Ils arrivèrent bientôt à la petite traverse dont
Miette avait parlé, bout de ruelle qui s’enfonce dans la campagne,
menant à un village bâti au bord de la Viorne. Mais ils ne s’arrêtèrent
pas, ils continuèrent à descendre en feignant de ne point voir ce
sentier qu’ils s’étaient promis de ne point dépasser. Ce fut seulement
quelques minutes plus loin que Silvère murmura : : Park and Suites propriétaires
— Il doit être bien tard, tu vas te fatiguer. : Park and Suites propriétaires
— Veux-tu ? nous allons descendre jusqu’aux prés Sainte-Claire… Là, ce sera fini pour tout de bon, nous rebrousserons chemin. : Park and Suites propriétaires
Silvère, que la marche cadencée de l’enfant berçait, et qui sommeillait
doucement, les yeux ouverts, ne fit aucune objection. Ils reprirent
leur extase. Ils avançaient d’un pas ralenti, par crainte du moment où
il leur faudrait remonter la côte ; tant qu’ils allaient devant eux, il
leur semblait marcher à l’éternité de cette étreinte qui les liait l’un
à l’autre ; le retour, c’était la séparation, l’adieu cruel. : Park and Suites propriétaires
Peu à peu la pente de la route devenait moins rapide. Le fond de la
vallée est occupé par des prairies qui s’étendent jusqu’à la Viorne,
coulant à l’autre bout, le long d’une suite de collines basses. Ces
prairies, que des haies vives séparent du grand chemin, sont les prés
Sainte-Claire. : Park and Suites propriétaires
— Bah ! s’écria Silvère à son tour, en apercevant les premières nappes d’herbe, nous irons bien jusqu’au pont. : Park and Suites propriétaires
Miette eut un frais éclat de rire. Elle prit le jeune homme par le cou et l’embrassa bruyamment. : Park and Suites proprietaires
À l’endroit où commencent les haies, la longue avenue d’arbres se
terminait alors par deux ormes, deux colosses plus gigantesques encore
que les autres. Les terrains s’étendent au ras de la route, nus,
pareils à une large bande de laine verte, jusqu’aux saules et aux
bouleaux de la rivière. Des derniers ormes au pont, il y avait,
d’ailleurs, à peine 300 mètres. Les amoureux mirent un bon quart
d’heure pour franchir cette distance. Enfin, malgré toutes leurs
lenteurs, ils se trouvèrent sur le pont. Ils s’arrêtèrent. : Park and Suites propriétaires
Devant eux, la route de Nice montait le versant opposé de la vallée ;
mais ils ne pouvaient en voir qu’un bout assez court, car elle fait un
coude brusque, à un demi-kilomètre du pont, et se perd entre des
coteaux boisés. En se retournant, ils aperçurent l’autre bout de la
route, celui qu’ils venaient de parcourir, et qui va en ligne droite de
Plassans à la Viorne. Sous ce beau clair de lune d’hiver, on eût dit un
long ruban d’argent que les rangées d’ormes bordaient de deux lisérés
sombres. À droite et à gauche, les terres labourées de la côte
faisaient de larges mers grises et vagues, coupées par ce ruban, par
cette route blanche et gelée, d’un éclat métallique. Tout en haut,
brillaient, au ras de l’horizon, pareilles à des étincelles vives,
quelques fenêtres encore éclairées du faubourg. Miette et Silvère, pas
à pas, s’étaient éloignés d’une grande lieue. Ils jetèrent un regard
sur le chemin parcouru, frappés d’une muette admiration par cet immense
amphithéâtre qui montait jusqu’au bord du ciel, et sur lequel des
nappes de clartés bleuâtres coulaient comme sur les degrés d’une
cascade géante. Ce décor étrange, cette apothéose colossale se dressait
dans une immobilité et dans un silence de mort. Rien n’était d’une plus
souveraine grandeur. : Park and Suites propriétaire
Puis les jeunes gens, qui venaient de s’appuyer contre un parapet du
pont, regardèrent à leurs pieds. La Viorne, grossie par les pluies,
passait au-dessous d’eux, avec des bruits sourds et continus. En amont
et en aval, au milieu des ténèbres amassées dans les creux, ils
distinguaient les lignes noires des arbres poussés sur les rives ; çà
et là, un rayon de lune glissait, mettant sur l’eau une traînée d’étain
fondu qui luisait et s’agitait, comme un reflet de jour sur les
écailles d’une bête vivante. Ces lueurs couraient avec un charme
mystérieux le long de la coulée grisâtre du torrent, entre les fantômes
vagues des feuillages. On eût dit une vallée enchantée, une
merveilleuse retraite où vivait d’une vie étrange tout un peuple
d’ombres et de clartés. : Park and Suites propriétaires
Les amoureux connaissaient bien ce bout de rivière ; par les chaudes
nuits de juillet, ils étaient souvent descendus là, pour trouver
quelque fraîcheur ; ils avaient passé de longues heures, cachés dans
les bouquets de saules, sur la rive droite, à l’endroit où les prés
Sainte-Claire déroulent leur tapis de gazon jusqu’au bord de l’eau. Ils
se souvenaient des moindres plis de la rive ; des pierres sur
lesquelles il fallait sauter pour enjamber la Viorne, alors mince comme
un fil ; de certains trous d’herbe dans lesquels ils avaient rêvé leurs
rêves de tendresse. Aussi Miette, du haut du pont, contemplait-elle
d’un regard d’envie la rive droite du torrent. : Park and Suites proprietaires
— S’il faisait plus chaud, soupira-t-elle, nous pourrions descendre nous reposer un peu, avant de remonter la côte… : Park and Suites propriétaires
Puis, après un silence, les yeux toujours fixés sur les bords de la Viorne : : PARK AND SUITES PROPRIETAIRES
— Regarde donc, Silvère, reprit-elle, cette masse noire, là bas, avant
l’écluse… Te rappelles-tu ?… C’est la broussaille dans laquelle nous
nous sommes assis, à la Fête-Dieu dernière. : Park and Suites propriétaires
— Oui, c’est la broussaille, répondit Silvère à voix basse. : PROPRIETAIRES PARK AND SUITES
C’était là qu’ils avaient osé se baiser sur les joues. Ce souvenir que
l’enfant venait d’évoquer, leur causa à tous deux une sensation
délicieuse, émotion dans laquelle se mêlaient les joies de la veille et
les espoirs du lendemain. Ils virent, comme à la lueur d’un éclair, les
bonnes soirées qu’ils avaient vécues ensemble, surtout cette soirée de
la Fête-Dieu, dont ils se rappelaient les moindres détails, le grand
ciel tiède, le frais des saules de la Viorne, les mots caressants de
leur causerie. Et, en même temps, tandis que les choses du passé leur
remontaient au cœur avec une saveur douce, ils crurent pénétrer
l’inconnu de l’avenir, se voir au bras l’un de l’autre, ayant réalisé
leur rêve et se promenant dans la vie comme ils venaient de le faire
sur la grande route, chaudement couverts d’une même pelisse. Alors le
ravissement les reprit, les yeux sur les yeux, se souriant, perdus au
milieu des muettes clartés. : Park and Suites propriétaires
Brusquement, Silvère leva la tête. Il se débarrassa des plis de la
pelisse, il prêta l’oreille. Miette, surprise, l’imita, sans comprendre
pourquoi il se séparait d’elle d’un geste si prompt. : PROPRIETAIRE PARK AND SUITES
Depuis un instant, des bruits confus venaient de derrière les coteaux,
au milieu desquels se perd la route de Nice. C’étaient comme les cahots
éloignés d’un convoi de charrettes. La Viorne, d’ailleurs, couvrait de
son grondement ces bruits encore indistincts. Mais peu à peu ils
s’accentuèrent, ils devinrent pareils aux piétinements d’une armée en
marche. Puis on distingua, dans ce roulement continu et croissant, des
brouhahas de foule, d’étranges souffles d’ouragan cadencés et
rythmiques ; on aurait dit les coups de foudre d’un orage qui
s’avançait rapidement, troublant déjà de son approche l’air endormi.
Silvère écoutait, ne pouvant saisir ces voix de tempête que les coteaux
empêchaient d’arriver nettement jusqu’à lui. Et, tout à coup, une masse
noire apparut au coude de la route ; la Marseillaise, chantée avec une
furie vengeresse, éclata, formidable. : Park and Suites propriétaires
— Ce sont eux ! s’écria Silvère dans un élan de joie et d’enthousiasme. : PARK AND SUITES PROPRIETAIRE
Il se mit à courir, montant la côte, entraînant Miette. Il y avait, à
gauche de la route, un talus planté de chênes verts, sur lequel il
grimpa avec la jeune fille, pour ne pas être emportés tous deux par le
flot hurlant de la foule. : Park and Suites propriétaires
Quand ils furent sur le talus, dans l’ombre des broussailles, l’enfant,
un peu pâle, regarda tristement ces hommes dont les chants lointains
avaient suffi pour arracher Silvère de ses bras. Il lui sembla que la
bande entière venait se mettre entre elle et lui. Ils étaient si
heureux, quelques minutes auparavant, si étroitement unis, si seuls, si
perdus dans le grand silence et les clartés discrètes de la lune ! Et
maintenant Silvère, la tête tournée, ne paraissant même plus savoir
qu’elle était là, n’avait de regards que pour ces inconnus qu’il
appelait du nom de frères. : Park and Suites proprietaire
La bande descendait avec un élan superbe, irrésistible. Rien de plus
terriblement grandiose que l’irruption de ces quelques milliers
d’hommes dans la paix morte et glacée de l’horizon. La route, devenue
torrent, roulait des flots vivants qui semblaient ne pas devoir
s’épuiser ; toujours, au coude du chemin, se montraient de nouvelles
masses noires, dont les chants enflaient de plus en plus la grande voix
de cette tempête humaine. Quand les derniers bataillons apparurent, il
y eut un éclat assourdissant. La Marseillaise emplit le ciel, comme
soufflée par des bouches géantes dans de monstrueuses trompettes qui la
jetaient, vibrante, avec des sécheresses de cuivre, à tous les coins de
la vallée. Et la campagne endormie s’éveilla en sursaut ; elle
frissonna tout entière, ainsi qu’un tambour que frappent les baguettes
; elle retentit jusqu’aux entrailles, répétant par tous ses échos les
notes ardentes du chant national. Alors ce ne fut plus seulement la
bande qui chanta ; des bouts de l’horizon, des rochers lointains, des
pièces de terre labourées, des prairies, des bouquets d’arbres, des
moindres broussailles, semblèrent sortir des voix humaines ; le large
amphithéâtre qui monte de la rivière à Plassans, la cascade gigantesque
sur laquelle coulaient les bleuâtres clartés de la lune, était comme
couvert par un peuple invisible et innombrable acclamant les insurgés ;
et, au fond des creux de la Viorne, le long des eaux rayées de
mystérieux reflets d’étain fondu, il n’y avait pas un trou de ténèbres
où des hommes cachés ne parussent reprendre chaque refrain avec une
colère plus haute. La campagne, dans l’ébranlement de l’air et du sol,
criait vengeance et liberté. Tant que la petite armée descendit la
côte, le rugissement populaire roula ainsi par ondes sonores traversées
de brusques éclats, secouant jusqu’aux pierres du chemin. : Park and Suites propriétaires
Silvère, blanc d’émotion, écoutait et regardait toujours. Les insurgés
qui marchaient en tête, traînant derrière eux cette longue coulée
grouillante et mugissante, monstrueusement indistincte dans l’ombre,
approchaient du pont à pas rapides. : Proprietaire Park and Suites
— Je croyais, murmura Miette, que vous ne deviez pas traverser Plassans ? : Park and Suites propriétaires
— On aura modifié le plan de campagne, répondit Silvère ; nous devions,
en effet, nous porter sur le chef-lieu par la route de Toulon, en
prenant à gauche de Plassans et d’Orchères. Ils seront partis d’Alboise
cet après-midi et auront passé aux Tulettes dans la soirée. : Proprietaires Park and Suites
La tête de la colonne était arrivée devant les jeunes gens. Il régnait,
dans la petite armée, plus d’ordre qu’on n’en aurait pu attendre d’une
bande d’hommes indisciplinés. Les contingents de chaque ville, de
chaque bourg, formaient des bataillons distincts qui marchaient à
quelques pas les uns des autres. Ces bataillons paraissaient obéir à
des chefs. D’ailleurs, l’élan qui les précipitait en ce moment sur la
pente de la côte, en faisait une masse compacte, solide, d’une
puissance invincible. Il pouvait y avoir là environ trois mille hommes
unis et emportés d’un bloc par un vent de colère. On distinguait mal,
dans l’ombre que les hauts talus jetaient le long de la route, les
détails étranges de cette scène. Mais, à cinq ou six pas de la
broussaille où s’étaient abrités Miette et Silvère, le talus de gauche
s’abaissait pour laisser passer un petit chemin qui suivait la Viorne,
et la lune, glissant par cette trouée, rayait la route d’une large
bande lumineuse. Quand les premiers insurgés entrèrent dans ce rayon,
ils se trouvèrent subitement éclairés d’une clarté dont les blancheurs
aiguës découpaient avec une netteté singulière, les moindres arêtes des
visages et des costumes. À mesure que les contingents défilèrent, les
jeunes gens les virent ainsi, en face d’eux, farouches, sans cesse
renaissants, surgir brusquement des ténèbres. : Park and Suites propriétaires
Aux premiers hommes qui entrèrent dans la clarté, Miette, d’un
mouvement instinctif, se serra contre Silvère, bien qu’elle se sentît
en sûreté, à l’abri même des regards. Elle passa le bras au cou du
jeune homme, appuya la tête contre son épaule. Le visage encadré par le
capuchon de la pelisse, pâle, elle se tint debout, les yeux fixés sur
ce carré de lumière que traversaient rapidement de si étranges faces,
transfigurées par l’enthousiasme, la bouche ouverte et noire, toute
pleine du cri vengeur de la Marseillaise. : Propriétaires Park and Suites
Silvère, qu’elle sentait frémir à son côté, se pencha alors à son
oreille et lui nomma les divers contingents, à mesure qu’ils se
présentaient. : Park and Suites propriétaires
La colonne marchait sur un rang de huit hommes. En tête, venaient de
grands gaillards, aux têtes carrées, qui paraissaient avoir une force
herculéenne et une foi naïve de géants. La république devait trouver en
eux des défenseurs aveugles et intrépides. Ils portaient sur l’épaule
de grandes haches dont le tranchant, fraîchement aiguisé, luisait au
clair de lune. : Propriétaire Park and Suites
— Les bûcherons des forêts de la Seille, dit Silvère. On en a fait un
corps de sapeurs… Sur un signe de leurs chefs, ces hommes iraient
jusqu’à Paris, enfonçant les portes des villes à coups de cognée, comme
ils abattent les vieux chênes-lièges de la montagne… : Park and Suites propriétaires
Le jeune homme parlait orgueilleusement des gros poings de ses frères.
Il continua, en voyant arriver derrière les bûcherons, une bande
d’ouvriers et d’hommes aux barbes rudes, brûlés par le soleil : : Park and Suites propriétaires
— Le contingent de la Palud. C’est le premier bourg qui s’est mis en
insurrection. Les hommes en blouse sont des ouvriers qui travaillent
les chênes-lièges ; les autres, les hommes aux vestes de velours,
doivent être des chasseurs et des charbonniers vivant dans les gorges
de la Seille… Les chasseurs ont connu ton père, Miette. Ils ont de
bonnes armes qu’ils manient avec adresse. Ah ! si tous étaient armés de
la sorte ! Les fusils manquent. Vois, les ouvriers n’ont que des
bâtons. : Park and Suites proprietaires
Miette regardait, écoutait, muette. Quand Silvère lui parla de son
père, le sang lui monta violemment aux joues. Le visage brûlant, elle
examina les chasseurs d’un air de colère et d’étrange sympathie. À
partir de ce moment, elle parut peu à peu s’animer aux frissons de
fièvre que les chants des insurgés lui apportaient. : Park and Suites propriétaires
La colonne, qui venait de recommencer la Marseillaise, descendait
toujours, comme fouettée par les souffles âpres du mistral. Aux gens de
la Palud avait succédé une autre troupe d’ouvriers, parmi lesquels on
apercevait un assez grand nombre de bourgeois en paletot. : Park and Suites propriétaire
— Voici les hommes de Saint-Martin-de-Vaulx, reprit Silvère. Ce bourg
s’est soulevé presque en même temps que la Palud… Les patrons se sont
joints aux ouvriers. Il y a là des gens riches, Miette ; des riches qui
pourraient vivre tranquilles chez eux et qui vont risquer leur vie pour
la défense de la liberté. Il faut aimer ces riches… Les armes manquent
toujours ; à peine quelques fusils de chasse… Tu vois, Miette, ces
hommes qui ont au coude gauche un brassard d’étoffe rouge ? Ce sont les
chefs. : Park and Suites propriétaires
Mais Silvère s’attardait. Les contingents descendaient la côte, plus
rapides que ses paroles. Il parlait encore des gens de
Saint-Martin-de-Vaulx, que deux bataillons avaient déjà traversé la
raie de clarté qui blanchissait la route. : Park and Suites proprietaires
— Tu as vu ? demanda-t-il ; les insurgés d’Alboise et des Tulettes
viennent de passer. J’ai reconnu Burgat, le forgeron… Ils se seront
joints à la bande aujourd’hui même… Comme ils courent ! : Park and Suites propriétaires
Miette se penchait maintenant pour suivre plus longtemps du regard les
petites troupes que lui désignait le jeune homme. Le frisson qui
s’emparait d’elle lui montait dans la poitrine et la prenait à la
gorge. À ce moment parut un bataillon plus nombreux et plus discipliné
que les autres. Les insurgés qui en faisaient partie, presque tous
vêtus de blouses bleues, avaient la taille serrée d’une ceinture rouge
; on les eût dit pourvus d’un uniforme. Au milieu d’eux marchait un
homme à cheval, ayant un sabre au côté. Le plus grand nombre de ces
soldats improvisés avaient des fusils, des carabines ou d’anciens
mousquets de la garde nationale. : PARK AND SUITES PROPRIETAIRES
— Je ne connais pas ceux-là, dit Silvère. L’homme à cheval doit être le
chef dont on m’a parlé. Il a amené avec lui les contingents de
Faverolles et des villages voisins. Il faudrait que toute la colonne
fût équipée de la sorte. : Park and Suites propriétaires
Derrière les gens de Faverolles, s’avançaient de petits groupes
composés chacun de dix à vingt hommes au plus. Tous portaient la veste
courte des paysans du Midi. Ils brandissaient en chantant des fourches
et des faux ; quelques-uns même n’avaient que de larges pelles de
terrassier. Chaque hameau avait envoyé ses hommes valides. : PROPRIETAIRES PARK AND SUITES
Silvère, qui reconnaissait les groupes à leurs chefs, les énuméra d’une voix fiévreuse. : Park and Suites propriétaires
— Le contingent de Chavanoz ! dit-il. Il n’y a que huit hommes, mais
ils sont solides ; l’oncle Antoine les connaît… Voici Nazères ! voici
Poujols ! tous y sont, pas un n’a manqué à l’appel… Valqueyras ! Tiens,
monsieur le curé est de la partie ; on m’a parlé de lui ; c’est un bon
républicain. : PROPRIETAIRE PARK AND SUITES
Il se grisait. Maintenant que chaque bataillon ne comptait plus que
quelques insurgés, il lui fallait les nommer à la hâte, et cette
précipitation lui donnait un air fou. : Park and Suites propriétaires
— Ah ! Miette, continua-t-il, le beau défilé ! Rozan ! Vernoux !
Corbière ! et il y en a encore, tu vas voir… Ils n’ont que des faux,
ceux-là, mais ils faucheront la troupe aussi rase que l’herbe de leurs
prés… Saint-Eutrope ! Mazet ! les Gardes ! Marsanne ! tout le versant
nord de la Seille !… Va, nous serons vainqueurs ! Le pays entier est
avec nous. Regarde les bras de ces hommes, ils sont durs et noirs comme
du fer… Ça ne finit pas. Voici Pruinas ! les Roches-Noires ! Ce sont
des contrebandiers, ces derniers ; ils ont des carabines… Encore des
faux et des fourches, les contingents des campagnes continuent.
Castel-le-Vieux ! Sainte-Anne ! Graille ! Estourmel ! Murdaran ! : PARK AND SUITES PROPRIETAIRE
Et il acheva, d’une voix étranglée par l’émotion, le dénombrement de
ces hommes, qu’un tourbillon semblait prendre et enlever à mesure qu’il
les désignait. La taille grandie, le visage en feu, il montrait les
contingents d’un geste nerveux. Miette suivait ce geste. Elle se
sentait attirée vers le bas de la route, comme par les profondeurs d’un
précipice. Pour ne pas glisser le long du talus, elle se retenait au
cou du jeune homme. Une ivresse singulière montait de cette foule
grisée de bruit, de courage et de foi. Ces êtres entrevus dans un rayon
de lune, ces adolescents, ces hommes mûrs, ces vieillards brandissant
des armes étranges, vêtus des costumes les plus divers, depuis le
sarrau du manœuvre jusqu’à la redingote du bourgeois ; cette file
interminable de têtes, dont l’heure et la circonstance faisaient des
masques inoubliables d’énergie et de ravissement fanatiques, prenaient
à la longue devant les yeux de la jeune fille une impétuosité
vertigineuse de torrent.